Pendant trois mois...

Publié le par Didier

ASTRID DE LARMINAT. Le Figaro du 01 août 2007

Pendant trois mois, François Bizot fut interrogé par le bourreau du camp S 21
François Bizot a bien connu Kank Kek Ieu, alias Douch. En 1971, alors qu'il était détenu dans un camp Khmer rouge, le jeune ethnologue français avait été interrogé trois mois durant par celui qui deviendra l'un des plus redoutables tortionnaires du régime de Pol Pot.

François Bizot a raconté sa captivité dans un livre paru en 2000, intitulé Le Portail (La Table ronde), qui commence par évoquer sa vie paisible au Cambodge à la fin des années 1960, puis la révolution. Jusqu'au jour où, alors qu'il travaillait sur le site d'Angkor, il est arrêté. Les conditions de détention sont atroces. Mais les pages les plus saisissantes du livre sont celles qui reconstituent son interrogatoire par le chef du camp, Douch, qui finira par obtenir sa libération.

Une étrange relation se noue entre les deux hommes. Le jeune professeur de mathématiques qui s'est mis au service de la révolution se confie au jeune intellectuel français. Le tortionnaire avoue qu'il tue de ses propres mains les prisonniers, et qu'il est amené comme beaucoup d'autres à faire le mal au nom du bien. « Douch est d'autant plus coupable qu'il n'est pas un monstre, affirme Bizot interrogé en 2003 pour savoir s'il témoignerait lors d'un éventuel procès. Si ce procès permet de comprendre enfin qu'au départ les bourreaux ne sont pas différents de nous, alors il sera utile. Il n'y a pas de ligne de séparation entre les bons et les méchants. Quand on aura compris que l'on possède en nous la capacité d'aimer aussi bien que de tuer, on découvrira la peur : cette peur salutaire, la seule, celle de soi-même. »

Publié dans HISTOIRE CAMBODGE

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article