"Douch" et ses juges sur les lieux de mort khmers rouges

Publié le par Didier

D'une intensité émotionnelle extrême, les deux journées avaient été annoncées par un sec communiqué du Tribunal spécial Khmers rouges, à Phnom Penh. "Dans le cadre des investigations en cours au bureau des cojuges d'instruction, une reconstitution sera organisée, mardi 26 février, à Choeung Ek, et mercredi 27 février, à Tuol Sleng. Ces actes d'instruction sont classiques et font partie de l'enquête judiciaire, laquelle est confidentielle. Ces jours-là, les lieux, ainsi que leur voisinage, seront fermés au public, y compris à la presse, et un important dispositif de sécurité sera mis en place."

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if ( undefined !== MIA.Pub.OAS.events ) { MIA.Pub.OAS.events["pubOAS_middle"] = "pubOAS_middle"; } Mercredi, Kaing Guek Eav, 65 ans, est revenu au centre d'interrogatoires sous torture dont il fut le chef pendant trois ans, voici trois décennies, pour "expliquer" à ses juges, compatriotes cambodgiens et magistrats internationaux appointés par l'ONU, ce qu'était la routine au coeur d'un système de génocide. Kaing, connu sous son nom de guerre, "Douch", a supervisé là, jadis, l'élimination physique de 16 000 détenus accusés par le régime de Pol Pot de complicité avec la CIA américaine ou avec le Vietnam. Moins de vingt personnes ont survécu.

ALLURE FANTOMATIQUE
Un jour entier, le quartier de Tuol Sleng, en ville, a retrouvé l'allure fantomatique du Cambodge sous les Khmers rouges. Habitants consignés à domicile. Circulation interdite. Aucune image n'a été diffusée.
La visite a été racontée succinctement aux journalistes par les porte-parole. "Douch" a conduit les magistrats et quelques survivants "invités" - venus "lui demander ce dont (ils étaient) coupables", selon les mots d'un d'entre eux, Bou Meng - à travers ce qui avait été les salles de classe d'un collège d'enseignement secondaire avant de devenir le centre de détention de haute sécurité "S-21".
Il a exposé les actes de la brutalité quotidienne. De ses propres écrits consignés, on sait sa seule règle de conduite d'alors : faute d'"aveux", la mort assurée du détenu n'était qu'un "gaspillage".
A la fin de la reconstitution, un témoin a résumé : "Debout à l'entrée, il a joint ses mains en signe de prière, s'est excusé auprès de ses victimes, affirmant avoir obéi aveuglément aux ordres de ses supérieurs lui intimant de tuer son propre peuple." "Douch", professeur de mathématiques avant d'embrasser la cause "révolutionnaire", s'est converti au christianisme dans les années 1990 alors qu'il était en fuite.
Mardi, le tortionnaire avait pleuré devant les ossements rassemblés d'une quinzaine de milliers de victimes des Khmers rouges, sur le terrain des "champs de la mort". Tout particulièrement devant l'arbre contre lequel étaient fracassés les crânes d'enfants condamnés.
C'était la deuxième fois que les scènes d'interrogatoires violents du système Pol Pot reprenaient vie depuis le film du cinéaste franco-cambodgien Rithy Panh, S21, la machine de mort khmère rouge (2003). Mais c'était la première en présence de l'ancien chef des bourreaux, désormais jugé pour crimes contre l'humanité.
Francis Deron Le monde du 29 février 2008

Publié dans HISTOIRE CAMBODGE

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