Vincennes et son donjon

Par Christiane Galus dans Le Monde du 16.05.07

Surplombant l'est de Paris de son élégante silhouette et du haut de ses 50 mètres, le donjon du château de Vincennes (Val- de-Marne), le plus haut d'Europe, rouvre au public le 17 mai après onze ans de rénovation. Sa remise en état - il était fissuré - permet de mieux connaître la seule résidence royale du Moyen Age qui subsiste en France.

Commencée sous Philippe VI, elle a été terminée entre 1361 et 1369 sous le règne de Charles V par le maître d'oeuvre Raymond du Temple, le roi s'installant dans le donjon dès 1367. Ce souverain très croyant entourera le donjon d'une enceinte rectangulaire de 1 100 mètres de longueur, défendue par neuf hautes tours. Ces dernières seront arasées sous Napoléon Ier pour recevoir des canons.
La restauration, d'un montant de 17,2 millions d'euros, a été menée par le ministère de la culture entre 2003 et 2006. En accord avec le ministère de la défense, copropriétaire des lieux, et avec le concours du CNRS, de l'Ecole des hautes études en sciences sociales et de l'Institut national de recherches archéologiques préventives.
La rénovation a montré que la construction avait nécessité des tours de force techniques étonnants pour l'époque. Le corps du donjon, de forme carrée, est doté de six étages et de quatre tourelles d'angle. "Pour assurer l'équilibre de murs épais de 3,2 mètres, qui ne pouvaient bénéficier de l'assise que procurent les arcs-boutants dans les cathédrales gothiques, l'architecte a utilisé de solides barres de fer", dit Jean Chapelot, du CNRS, responsable des recherches archéologiques au donjon. A partir du 3e étage, ce métal est utilisé de diverses manières. Des agrafes courtes relient entre elles des pierres. De longs tirants, disposés sous le sol des étages supérieurs, maintiennent à écartement constant les quatre côtés du donjon. Enfin, un cerclage métallique complet a été mis en place sur les 100 mètres de périphérie du donjon. "Ce qui représente au total 2500 barres de fer pesant près de 20 tonnes", ajoute Jean Chapelot.
Les lambris du XIVe siècle, qui recouvraient les appartements du roi, aux deux premiers étages, ont aussi réservé des surprises. Ils ont été réalisés avec du bois de chênes à croissance lente vieux de plus de deux siècles provenant de forêts de l'est de la Baltique. Résidence royale, caserne à partir de Napoléon Ier, le donjon a été utilisé entre le XVIe et le XIXe siècle comme lieu de détention. Il a accueilli des prisonnier célèbres tels Diderot, Mirabeau et le marquis de Sade.