La violence des volcans

Publié le par Didier

Par Christiane Galus
Article paru dans le monde du 09.01.07

L'impact du volcanisme ancien sur les fluctuations naturelles du climat reste encore mal connu. Les carottes de glace de l'Antarctique et du Groënland, qui contiennent des bulles d'air représentatives des climats du passé, ne permettaient pas jusqu'à ce jour de préciser si une éruption était de nature stratosphérique, donc très importante, ou troposphérique (jusqu'à 10 km d'altitude) et de moindre ampleur.

Une telle distinction est désormais possible, grâce aux travaux du Laboratoire de glaciologie et géophysique de l'environnement (LGGE, laboratoire conjoint CNRS-Université Joseph-Fourier, Grenoble) et de l'Université de Californie de La Jolla (San Diego). Ces recherches, publiées dans la revue Science du 5 janvier, ont permis de déterminer qu'un isotope du soufre (33S) était un marqueur de ces grosses colères de la Terre.
En projetant d'énormes quantités de poussières et de gaz - et notamment du dioxyde de soufre (SO2) - à plus de 30 kilomètres d'altitude dans la stratosphère (haute atmosphère terrestre), les éruptions volcaniques de grande ampleur modifient le climat mondial pendant plusieurs années. Lorsqu'il arrive dans cette zone, le dioxyde de soufre se transforme en acide sulfurique (H2SO4) sous l'action photochimique des rayons solaires. Cet acide se condense alors sur des poussières ou des aérosols et forme un écran qui réfléchit la lumière de notre étoile, ce qui a pour effet de provoquer à l'échelle de la planète une baisse des températures de 0,1 à 0,7 ºC.
C'est en travaillant sur l'acide sulfurique piégé dans les glaces de l'Antarctique que Joël Savarino, Mélanie Baroni, Robert Delmas et Marc Thiemens ont obtenu leurs résultats. Sur le site de la station franco-italienne Concordia en Antarctique, ils ont prélevé de la neige gelée, empilée sur 6 mètres, censée abriter des traces de deux éruptions majeures du XXe siècle : celle du mont Agung, à Bali, en Indonésie (1963), et celle du Pinatubo, aux Philippines (1991). Ces super-volcans ont respectivement envoyé dans la stratosphère 1 et 5 km3 de cendres et de gaz volcaniques et vomi 1 million de tonnes de soufre chacun.

La neige recueillie a été fondue, et, après plusieurs manipulations, analysée à l'aide d'un chromatographe ionique puis d'un spectromètre. L'équipe scientifique a alors constaté que " le soufre 33, l'un des quatre isotopes stables du soufre que l'on trouve dans la nature, se comportait de manière irrégulière par rapport aux autres isotopes : le soufre 32 (le plus abondant), le soufre 34 et le soufre 36. Alors qu'habituellement ce quatuor isotopique est étroitement corrélé et varie de concert", explique Joël Savarino, spécialiste de la chimie de l'atmosphère au LGGE.

Grâce à cette signature isotopique, les scientifiques vont pouvoir affiner leurs études sur l'impact climatique des grandes éruptions et élaborer des statistiques destinées à évaluer leur périodicité. " De tels événements représentent peut-être la plus grosse menace qui pèse actuellement sur la civilisation, beaucoup plus que celle due à la chute d'une météorite géante, que l'on peut tenter de dévier, prévient Joël Savarino. Tandis que personne n'est capable d'arrêter une éruption volcanique en cours."

En provoquant une sorte d'"hiver nucléaire", ces éruptions peuvent perturber gravement la vie sur Terre. Il y a 74 000 ans, le super-volcan Toba, à Sumatra, a rejeté dans l'atmosphère quelque 2 800 km3 de débris, ce qui a refroidi temporairement la température mondiale de 5 à 6 ºC. Plus récemment, l'éruption du volcan Laki, en Islande, survenue entre 1783 et 1784, a eu indirectement un rôle dans le déclenchement de la Révolution française. Les perturbations météorologiques qu'il a entraînées ont en effet provoqué, à cette époque, une baisse importante des récoltes, des famines, et nourri un fort mécontentement.

Publié dans SCIENCES

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article