Le Japon reconnaît officiellement le caractère indigène du peuple aïnou

Publié le par Didier

Par Philippe Mesmer. Article paru dans le Monde du 10.06.08.

Le 6 juin 2008 est devenu une date historique pour les Aïnous. Ce jour-là, le Parlement japonais a unanimement reconnu le caractère indigène de cette population, "qui possède sa propre langue, religion et culture". Le texte adopté appelle le gouvernement à aider les Aïnous, dont une grande partie vit dans des conditions difficiles.

Le vote a été suivi par une déclaration du porte-parole du gouvernement japonais, Nobutaka Machimura, qui admet "le fait historique que les Aïnous ont souffert de discriminations et ont été contraints à la pauvreté en période de modernisation".

Les responsables aïnous ont salué l'initiative, présentée comme "la fin des injustices passées" par Tadashi Kato, président de l'Association aïnoue de Hokkaido.

Le texte reste cependant évasif sur les faits qui ont contraint cette population à devenir japonaise. Les Aïnous, vraisemblablement venus de Sibérie bien avant l'ère Jômon (5 000-300 av. J.-C.) rayonnaient autrefois sur un vaste territoire couvrant Sahkaline, les îles Kouriles, Hokkaido et le tiers septentrional de l'île de Honshu. Ce peuple aux croyances animistes, qui vivait de chasse et de cueillette, apparaît dans les chroniques japonaises dès le VIIIe siècle. Repoussé au fil du temps sur l'île d'Hokkaido, il tombe sous la férule japonaise après la bataille de Kunashiri-Menashi, en 1789.

INTÉGRATION FORCÉE

La Restauration Meiji, dès 1868, s'accompagne d'une "japonisation" de Hokkaido qui annihile la culture aïnoue, l'une des plus anciennes de l'Extrême-Orient. Dès 1871, les Aïnous se voient interdits de pratiquer certaines coutumes, comme le tatouage, et sont "encouragés" à apprendre le Japonais.

La loi de 1899, dite "de protection des anciens indigènes" les dépossède de leurs terres et force leur intégration. Depuis, les quelque 50 000 Aïnous du Japon souffrent de discrimination et d'un taux de pauvreté supérieur à la moyenne. Beaucoup continuent de dissimuler leur identité. Certains l'ignorent.

Une loi de 1997 a certes assuré la promotion de la culture aïnoue et mis à mal le mythe de l'homogénéité ethnique du Japon, revendiquée notamment par le premier ministre, Yasuhiro Nakasone, en 1986. Mais elle n'a pas reconnu les droits de la minorité ethnique, Tokyo craignant que cela n'ouvre la voie à des revendications territoriales.

La résolution du 6 juin intervient alors que le Japon a voté, en septembre 2007, la déclaration de l'ONU sur les droits des peuples indigènes et qu'il s'apprête à accueillir le sommet du G8, organisé à Hokkaido sur les terres aïnoues. Elle est également une étape vers la reconnaissance de la diversité du peuple japonais, qui pourrait à l'avenir concerner les habitants de l'ancien royaume des Ryukyus, aujourd'hui Okinawa.  

Publié dans JAPON

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